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22 Juil

Interview de Maher Beauroy

Suivez vos rêves ils connaissent le chemin!

Kant disait que la musique est le langage des émotions. Aujourd’hui, je vous invite à me suivre  à la rencontre d’un talentueux pianiste et musicien d’origine martiniquaise: Maher Beauroy. Maher est brillant, professionnel, passionné, consciencieux, créatif et authentique. Après avoir joué avec des pointures du monde de la musique, ce jeune de seulement 29 ans à l’avenir plus que prometteur, s’inscrit déjà dans le sillage des plus grands. Maher est de ces beautés foudroyantes dont émane une profonde positivité. Il sait être taquin et son rire fracassant sème aux quatre vents un élan de bonheur qui charme les coeurs. Tel un alchimiste, Maher s’attelle jours après jours, mesures après mesures, à user de son instrument pour fusionner avec lui et trouver à la croisée du groove, l’accord parfait. Entrons en résonance avec le coeur romantique de ce virtuose.

Il s’est abandonné à son art, il a bousculé les codes grâce au jazz, parfois tel un labyrinthe pour suivre son intuition, mais cette rencontre avec son moi profond l’a emmené à se tromper parfois et à avoir raison souvent. Les notes de son piano qu’il parcourt avec ses mains agiles, se font l’écho de la beauté de la vie.

Si au cours de cet entretien nous reviendrons sur la genèse de son incroyable parcours, nous tenterons également de comprendre l’artiste. Mais il n’y a pas de génie sans sacrifices, alors nous nous intéresserons aussi à l’homme, nous parlerons de sa vie à Boston, de culture, et de la « culture de la gagne » qu’il a apprivoisé.

Partageons donc ensemble ce précieux moment, le temps d’un silence, d’une vibration, d’un accord, puis d’un frisson. Mélange  magique de force et de douceur pour l’appel d’une destinée de lumière.

_DSC2861Bonjour Maher,

Merci d’avoir accepté cette interview. Tout d’abord pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaitraient pas?

Je m’appelle Maher Beauroy, j’ai 29 ans et suis 

pianiste, musicien martiniquais.

Quel a été ton parcours ?

J’ai un parcours que l’on pourrait qualifier d’académique. Je dois ce fait à mes parents qui ont toujours voulu que je reçoive une formation musicale de qualité. Alors après mes premières leçons de piano que m’a donné ma mère, j’ai été élève de différents professeurs particuliers et de plusieurs écoles de musique dont le SERMAC. Après mon bac littéraire option musique, j’ai étudié la musique et la musicologie à l’Université Paris-Sorbonne. J’y ai obtenu une Licence de musicologie puis un Master de gestion et administration de la musique. Parallèlement à l’université, j’ai été étudiant au conservatoire Maurice Ravel (13e arr. de Paris) où j’ai obtenu mon Diplôme de fin d’Etude Musicale (DEM) en piano jazz. Aujourd’hui ma formation n’est toujours pas terminée, j’étudie à Berklee College Of Music (Boston, USA) en piano jazz performance.

Une vocation précoce ?
A quel âge as-tu commencé le piano? Et pourquoi justement cet instrument ?

J’ai commencé le piano à l’âge de 5 ans. Le piano s’est imposé à moi je dirais. Il y avait un piano à la maison, ma mère en jouait et m’y a très naturellement initié. Mes parents ont perçu des aptitudes et ils ont fait le choix de me pousser, de m’accompagner pour les développer. Si j’ai la chance de faire ce métier aujourd’hui c’est en partie grâce à eux.

Des parents musiciens ? Quels regards portent-ils sur toi aujourd’hui ?

Mes parents ne sont pas musiciens mais sont des mélomanes avertis. Leurs regards sont d’une extrême bienveillance, ils me soutiennent et sont fiers de moi. Je suis très fier moi aussi d’avoir des parents comme eux. 

Être soutenu, encouragé par ceux qu’on aime est selon moi déterminant pour notre réussite.

 

Peux tu nous parler du déclic opéré par la musique pour prendre cette place dans ta vie ?

 

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J’ai réellement su que je voulais devenir musicien quand j’étais encore au lycée. Avec mes amis du lycée de Bellevue, avec qui j’avais créé un groupe qui s’appelait KAZ 124,

j’ai vécu mes tout premiers frissons sur scène. J’avais 15 ans.

 J’ai compris à ce moment là que la scène deviendrait un de mes endroits préférés. J’ai compris que la musique serait pour moi le meilleur moyen de montrer qui je suis. C’est le reflet le plus sincère que je pouvais donner à travers la musique. Il n y a pas de jeux de rôle, je suis vraiment moi. Je suis heureux, c’est la version la plus honnête que j’ai a donner.

Quel message souhaiterais tu faire passer aux jeunes ou moins jeunes afin de les motiver à aller au delà de leurs limites, à se réaliser pleinement ?

Je leur dirais « Faites de beaux rêves ! ». Il ne s’agit pas de dormir, bien entendu, mais de faire fleurir nos envies, de cultiver nos ambitions sans se censurer.

Le rêve est au commencement de toutes nos réussites.

 Une fois cette étape franchie, le travail et la persévérance viendront d’eux-mêmes.

 

 

Qu’essaies-tu de transmettre à travers cet exercice?

J’essaie toujours d’être honnête dans ma musique. 

J’essaie de transmettre tout le bonheur que j’éprouve à être sur scène avec mes amis.

 

_DSC2823Lorsque l’on t’observe jouer, on est tout de suite transporté dans ton monde tant tu sembles vibrer et passionné par ce que tu fais. Y a t il un rythme qui te touche particulièrement ?

Il y a un rythme qui me passionne, c’est celui du cœur. Les battements de cœur et le rythme qu’ils forment sont au centre de ma vision de la musique. 

Quand je suis sur scène, que la communion avec mes musiciens est intense, je suis convaincu que sur ces quelques secondes nos cœurs battent ensemble. Voici le rythme qui me touche.

 

 

_DSC2824Quelles sont les cultures, époques qui t’influencent dans le choix des mélodies que tu composes ?

Dans mon travail de création, la première culture qui m’influence est la culture martiniquaise et plus largement, afro-caribéenne. En tant que musicien de jazz, la culture du jazz américain est bien-sûr incontournable. C’est notamment pour ça qu’aujourd’hui je vis à Boston. Je n’ai pas d’époque préférée. Chaque période dans l’histoire de la musique a sa part de richesse et est une source d’inspiration.

As-tu un objet fétiche, un rite avant chaque concert ?

Non pas vraiment. À part que j’ai le trac avant d’être sur scène, alors chaque concert commence toujours par des petits exercices de respirations.

Faut il être sensible pour transmettre des émotions et exercer ce métier ?

Oui il faut être sensible, sensible à l’autre. Transmettre des émotions est un vrai don de soi.

Petit as tu été inspiré par un ou des personnages emblématiques de la scène antillaise ou même internationale en te disant je veux être comme lui ou elle et pourquoi?

Mario Canonge a été le premier artiste martiniquais que j’ai admiré.

J’ai beaucoup écouté sa musique et il reste une source d’inspiration pour moi.

Qu’est-ce-qui te fait vibrer au quotidien?

Ma famille et la musique. Il ne se passe pas une journée sans que je ne sois en contact avec mes parents et ma sœur. La musique, elle, m’est vitale.

En quoi puises-tu pour te dépasser?

Pour me dépasser je pense à ma famille, à tout ce que mes parents ont fait et continuent de faire pour moi, pour que je me réalise.

J’ai aussi une petite sœur pour qui je veux être un modèle solide. J’aimerais être l’exemple pour ma soeur d’un homme qui n ‘abandonne pas, qui donne toujours de son mieux, qui va jusqu’au bout de ce qu’il entreprend et qui travaille pour atteindre ses objectifs.

Quels traits de ta personnalité transparaissent dans tes compositions ?

Mon romantisme. Je crois que cet aspect de mon tempérament transparaît dans mon amour pour la mélodie. Dans mes compositions je mets la mélodie au dessus de tout.

Quelle est selon toi ta plus belle réalisation de l’année 2016 ?

Je dirais la reprise de la chanson « La Sirène » de Loulou Boislaville.

Le meilleur compliment que l’on puisse te faire ?

Quand on me dit : « Je n’aime pas le jazz habituellement mais ce soir j’ai adoré ! ».

As tu une idée exacte du nombre de concert auxquels tu as participé depuis tes débuts ?

Je n’en ai aucune idée.

Es-tu fier de ton parcours ?

Jusqu’à ce jour, oui je le suis. Et j’espère qu’il me réserve encore de belles surprises. Il n’y a aucun secret, il faudra beaucoup travailler et être patient.

Du travail oui, mais quant n’est-il de la notion d’amusement ?

Prendre du plaisir c’est essentiel. Certains jouent aux jeux vidéos pour s’amuser, moi je joue aussi mais d’un instrument de musique. En réalité le travail et l’amusement ne s’opposent pas nécessairement. En musique se sont même deux notions qui vont de paire, parce qu’on ne peut pas s’amuser pleinement avec son instrument si on ne l’a pas pratiqué quotidiennement.

Et le silence que t’évoque t-il?

J’aimerais mieux le pratiquer. Je suis une vraie pipelette !

_DSC2674Maher en quelques mots clés ça donnerait quoi?

Passionné, persévérant, tendre, authentique.

Quel type d’homme es-tu aujourd’hui ?

Je suis curieux du monde qui m’entoure, solitaire et ambitieux.

Une mélodie ou chanson que tu souhaites dédicacer aux femmes de ta vie ?

« Ba Mwen » de Ralph Thamar, album « Exil » (1987), année de ma naissance. Tout un symbole ! (rires)

 

Quels constats portes-tu sur l’art caribéen ? 

Selon moi, l’art caribéen est et restera foisonnant, toujours productif et inspirant. Par l’enclavement géographique mais aussi par l’ignorance de ceux qui aujourd’hui mène le monde de l’art, nous souffrons globalement d’un manque de visibilité.

À nous, caribéens, de comprendre les règles du « jeu » pour rayonner au-delà de nos frontières.

 Nous devons résister au modèle occidentale dominant tout en nous adaptant au contexte économique mondial. Nous resterons alors authentiques et connectés.

Y a t-il une cause qui te soit chère et dans laquelle tu t’impliques au quotidien?

Oui, celle de la musique comme outil social et éducatif.

_DSC2833Quelles problématiques rencontre les artistes martiniquais selon toi ?

Selon moi, la problématique majeure est notre faible rayonnement. De plus, nous souffrons d’un manque de considération, à tort, de la part des décideurs politiques et culturels hexagonaux. Nous appartenons à un ensemble qui ne nous reconnaît pas comme il le devrait et par conséquent qui ne nous aide pas suffisamment. 

Nous devons mutualiser davantage nos forces, établir des ponts avec d’autres secteurs et comprendre que la musique et les autres arts appartiennent à un marché, que nos productions doivent être d’excellentes factures pour être vues, entendues et vendues.

Quel est la force de nos artistes et à contrario que doivent-ils développer dans les prochaines années ?

Notre force est notre histoire culturelle singulière (africaine, européenne et centre-américaine) et notre capacité d’absorption. Ce talent d’absorption est malheureusement parfois le défaut de certains artistes qui caricaturent et imitent les autres en oubliant leur culture propre. 

Nous devrions développer dans les prochaines années notre esprit d’entreprise et l’amour de l’excellence.

En tant qu’artiste quelles difficultés rencontres-tu ?

Les principales difficultés que je rencontre sont les peurs que je me crée moi-même.

Comment arriver à renouer ce lien entre la jeunesse et leurs cultures ?

Connaître sa culture, son histoire est un mécanisme qui s’enclenche dans son foyer, avec ses parents. Selon moi les parents ont ce devoir d’éducation. L’école y apportera ensuite de la substance.

 

Selon toi le choix d’une orientation jazzy t’écarte t-il des plus jeunes ?

Non, les jeunes n’ont rien contre le jazz mais ils ne savent pas tous ce que c’est. C’est à moi de faire un pas vers eux en leur montrant que

le jazz n’est en rien un genre d’élite

 et qu’il peut servir des musiques dites urbaines et populaires qu’ils aiment comme le hip-hop, l’électro, la dancehall ou le zouk.

Qu’est-ce-que le jazz selon toi ?

Le Jazz plus qu’un genre musical, est un état d’esprit. C’est la liberté dans la musique. C’est aussi apprendre à accepter que l’on puisse se perdre parfois puis trouver un moyen de revenir. Le jazz c’est un peu comme la vie.

Comment trouve t-on l’équilibre entre les choix commerciaux et artistiques ?

Ce n’est pas une question que je me pose. Je ne crée pas pour plaire au public. Je ne produits que ce que je ressens. Si ça plaît c’est tant mieux.

Faut-il avoir des aptitudes particulières pour durer dans ce milieu?

Il faut être patient, persévérant et avoir foi en son talent.

 

 

_DSC2744La vie étant une somme d’événements, quel conseil donnerais-tu au petit Maher aujourd’hui?

je lui dirais de garder la foi, de garder la tête froide pour se remettre en question, de continuer à rêver et s’imaginer grand et heureux dans sa musique.

 

 

 

 

Pourquoi épouser aujourd’hui ce métier ?

Par passion et pour les expériences que l’on vit tout au long d’une carrière artistique (les voyages, les rencontres inspirantes, etc).

Quelle est l’importance de la culture au sein de notre société?

Cette interview est un devoir de philo en fait ! Un big up au passage à ma filleule qui vient tout juste d’avoir son bac 😉 .

Penses-tu que la jeune génération doive s’impliquer encore plus dans la culture? Et comment ?

S’impliquer culturellement suppose qu’on y a été sensibilisé en amont. Tout ne peut pas germer d’un coup dans la tête d’un jeune. Il doit être éduqué et initié.

 

Les aînés ont donc un rôle déterminant et doivent servir de liant entre la culture et les plus jeunes.

L’art est-il accessible à tous?

De part les outils de communication l’art est aujourd’hui très accessible. On peut regarder des films, des concerts de façon très aisé si l’on veut vraiment s’intéresser à la vie culturelle d’un pays. Pour donner envie d’avoir cet intérêt pour la culture cela passe par l’éducation, par l’école. L’art apprend a être sensible à la beauté du monde, à developper notre capacité à observer la beauté du monde qui est autour, à nous élever intellectuellement et spirituellement.

Parles-nous de ta vie à Boston.

Ma vie bostonienne rime avec Berklee College Of Music. J’étudie beaucoup tout en essayant de créer et développer des projets. J’octroie peu de place aux distractions. 

Bagay la sé work work work !

La vie à boston est aussi une vie très agréable, car c’est une ville sure et protégée. Elle est d’avant-garde sur des questions sociétales, elle est jeune et active. C’est une ville verte, portée sur la mer et les activités nautiques. Un martiniquais qui vit à Boston s’y plait car il se retrouve au sein d’une réelle communauté cosmopolite.

 

Aurais-tu quelques conseils pour ceux qui souhaiteraient s’y installer ?

Couvrez-vous les gars, l’hiver est dur là- bas !

_DSC2770Selon toi que doit-on mettre en œuvre afin de permettre à des talents tel que toi de rester en Martinique et de vivre de leurs métiers ?

Il nous faudrait un environnement professionnel plus structuré, une exposition et un rayonnement plus fort à l’échelle caribéenne, que la Martinique devienne un carrefour artistique caribéen majeur.

Parles nous un peu de ton actu, de tes projets pour l’année 2017 ?

Mon actualité en 2017 est l’enregistrement de mon album AN LOT SOLEY un quintet que j’ai créé à Boston et que j’enregistre dans les semaines à venir. Je suis très excité à l’idée de réaliser ce disque. parallèlement le projet INSULA lui que j’ai co-écrit avec Redha Benabdallah (oudiste et musicologue algérien) verra le jour autour des œuvres de Frantz Fanon , qui est une figure incontournable en Martinique comme en Algérie. Notre agenda sera riche en concerts et en rencontres. Nous partirons en Algérie puis au Brésil d’ici la fin de l’année.

_DSC2676As-tu encore des rêves ? Lesquels ?

Oui plein ! Dont celui de savoir aussi bien cuisiner que mon père. Il est ceinture noire de ragoût de porc. Une sauvagerie !

Sur quel grand projet aimerais-tu travailler ?

La construction d’un institut des métiers de la musique en Martinique: un lieu de formation, de recherche et de création.

 

 

 

Spontanément sans trop réfléchir dans la série si tu étais. Si tu étais un animal tu serais ?et pourquoi ?

Je serais un koala. Accroché au cou de ceux que j’aime tel un koala aux branches de son arbre. 

J’adore les câlins.

Si tu étais un plat ?

Le porc roussit de mon père.

Si tu étais une citation ou un poème?

Two présé pa ka fè jou ouvè

Pourquoi ? Elle résume bien mon vécu de ces dernières années.

Une chanson qui te touche et qui te permet toujours d’aller de l’avant ?

« Ti Macaque » de Émilien Antile, chantée par mon père. 

Il me fait mourir de rire quand il chante cette chanson, ça me rend heureux.

 

Je vais te demander de fermer les yeux de faire appel à tes 5 sens et de me dire ce qui te vient quand on te dit Martinique.

La chaleur humide, le ti-punch, le café que fait mon père chaque matin, les couleurs divines du ciel quand le soleil se couche et la voix de ma mère qui m’appelle du haut de sa chambre à coucher « Maheeer ».

Merci encore pour ce moment privilégié en espérant te voir très bientôt.

ÜART. ©

Yetta.U

Epicurienne dans l'âme, passionnée d'art et de design partagez avec moi mon univers teinté d’influences caribéennes et de mes coups de coeurs de part le monde. Tel une cure de jouvence entrez vous aussi dans le bain ÜART !

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